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Fred Vargas, Périls en la demeure

Fred Vargas, Périls en la demeure

Le 16/07/2020

La noirceur de l’âme humaine, Fred Vargas la connaît et la partage avec ses lecteurs depuis le début des années 80. Avec son dernier ouvrage L’humanité en péril, un essai aussi alarmant que convaincant, la romancière et scientifique (elle est archéozoologue et médiéviste) s’attaque aux crimes contre la planète, aux raisons du changement climatique et au poids des lobbies. Retrouvez notre Série d’été dans la rubrique Actualités de Biocoop.fr pour éclairer le monde d’après à bâtir ensemble.

      

La noirceur de l’âme humaine, Fred Vargas la connaît et la partage avec ses lecteurs depuis le début des années 80. Avec son dernier ouvrage L’humanité en péril, un essai aussi alarmant que convaincant, la romancière et scientifique (elle est archéozoologue et médiéviste) s’attaque aux crimes contre la planète, aux raisons du changement climatique et au poids des lobbies. Retrouvez notre Série d’été dans la rubrique Actualités de Biocoop.fr pour éclairer le monde d’après à bâtir ensemble.

     
Propos recueillis par Albano Saldanha

   

Fred Vargas Périls en la demeure, dessin de Bénédicte Govaert

Les rapports alarmistes sur les changements climatiques se succèdent depuis plus d’une dizaine d’années. De quoi est née l’urgence d’écrire et de publier L’humanité en péril ?

       

De l’échec de la COP24, du choix d’atteindre, voire de dépasser, + 2 °C de réchauffement climatique. Et donc de mettre en péril de mort les trois quarts de l’humanité. Tout cela sans que nos gouvernants nous informent sur les véritables enjeux : par exemple la pénurie d’eau dans 6 ans, selon l’ONU, ou le fait que + 2 °C, hausse qui ne paraît grave à personne, est en réalité dramatique car c’est une moyenne mondiale. Cela représente en fait + 5 °C sur les continents si l’on ne compte pas les océans. Cela, les gens ne le savent pas. Les gouvernants ne le souhaitent surtout pas car toute connaissance – et donc peur – risquerait de déclencher une contraction économique.

      

Comment expliquer l’incapacité de chacun à se projeter dans un monde radicalement différent ?

   

En raison d’un siècle d’habitude, d’abord. Mais surtout de la confiance aveugle et bien mal placée que nous avions en nos élus, qui nous a conduits à cette grave ignorance dans laquelle beaucoup trop sont encore. Et l’on ne peut pas se projeter sans être d’abord informés. La connaissance, qui commence enfin à se répandre à travers le monde, ne provient pas d’eux, mais des médias, des films, des livres, des alertes citoyennes. Car nos gouvernants sont inaptes, puisqu’incapables, eux, de s’arracher au modèle des sociétés de consommation actuelles.

  

Les consommateurs représentent une part infime des pollutions dont souffre la planète (moins de 5 %). Visez-vous juste en les responsabilisant ?

   

Mais pour qui produisent donc toutes nos industries, sinon pour les consommateurs que nous sommes, sans cesse encouragés à acheter plus ? La consommation de chacun n’a rien d’infime : voiture, informatique, vêtements – 1,4 milliard de tonnes de CO2 émis par an par l’industrie du vêtement dans le monde –, nourriture – 1 kg de bœuf, c’est 13 800 litres d’eau dépensés –, eau en bouteilles plastique… C’est bien cette production de quantités de biens qui, en masse, permet la croissance des industries qui polluent et réchauffent la Terre.
      

C’est bien pour vendre toujours plus de bétail que le lobby élevage-agriculture industriels domine le monde, quitte à dévorer 70 % de l’eau de la planète, à être la première source de polluants des eaux. Alors oui, tout consommateur a un rôle primordial à jouer, si chacun s’y met : en diminuant cette folle consommation de viande, en achetant seulement les produits bio, nous pouvons abattre ce lobby mortifère, abaisser l’usage des engrais chimiques et des pesticides. Si chacun restreint ses consommations diverses, on peut porter de rudes coups au fonctionnement industriel actuel. Qui d’autre ?

  

Que pensez-vous des collapsologues qui étudient l'effondrement de la civilisation industrielle ?
        

Ils n’ont peut-être pas tort. Mais avant de penser la fin du monde, assez certaine si rien ne change, gardons déjà, outre le pouvoir de nos actions, un grand espoir dans le déclin à venir des énergies fossiles. Cela entraînera un vaste chaos, mais sans doute celui qui nous sauvera.

    

Votre quotidien a-t-il changé depuis que vous étudiez le sujet, si oui en quoi ?
    

Disons que bien des choses me paraissent aujourd’hui dérisoires. Mes habitudes au quotidien : transports en commun, produits bio, détergents verts, pas de viande, ½ sucre par jour, vêtements strictement nécessaires, en fibres naturelles, pas de mégots par terre, pas d’élimination des insectes sauf obligation, tri scrupuleux des déchets, pas de contenants plastique, déplacement minimal en voiture, pas d’avion, etc.
         

On vous devine… désespérée ? Combattante ? En colère ? Tout à la fois ?
    

Emplie de colère, de chagrin et de volonté de combat : hors de question que nous nous rendions sans nous défendre !

        

Si vous étiez…

   

Une saison ?

L’hiver ou le printemps. Parce qu’alors il pleut !

Une heure de la journée ?

4 h du matin. Quand cela fait quelques heures que le flux incessant des sollicitations de notre société nous laisse en paix.

Un sentiment ?

L’entraide.

Un plat cuisiné ?

Ça m’est égal… Sans viande si possible, et bio.

Un paysage ?

Peu importe… Là où existent encore des arbres, des abeilles et des vers de terre.

Un animal ?

La modeste gerbille, toujours en vigilance, toujours solidaire.

Bio Express
 

Depuis son premier roman en 1986, Fred Vargas fait partie des plus importants auteurs français de littérature policière et à suspense.

Au total, cette ancienne chercheuse au CNRS spécialiste en archéozoologie, également titulaire d’un doctorat d’histoire sur la peste au Moyen Âge, a publié plus d’une dizaine de romans, quelques nouvelles, deux bandes dessinées avec Edmond Baudoin ainsi que plusieurs essais et documents, dont le texte Nous y sommes !, qui appelait en 2008 à une Troisième Révolution, cette fois écologique.

Avec son dernier ouvrage, L’humanité en péril, paru chez Flammarion, Fred Vargas abandonne la fiction et dénonce les crimes contre la planète, un état des lieux cruel que l’on aurait préféré ranger dans notre collection de romans de science-fiction…

 

Retrouvez l’invitée Fred Vargas dans notre n°108 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.

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